Andrea Maldeste

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  • L'Homme lézardé

Angelo di Lampedusa

 

A Roberto Saviano, à son courage…

 

 

Enfant il aimait se perdre dans les tableaux

Des maîtres du quattrocento

Il était encore trop jeune pour en saisir les thèmes

Historiques

Bibliques

Ou mythologiques

Mais comme le cormoran dans l'eau

Il aimait plonger dans la surface féérique de ces tableaux.

 

Ce qu'il aimait par dessus tout

Ce n'était pas tant les personnages

Ces guerriers raffinés gracieusement cuirassés

– Aux mains non faites pour tuer

Mais pourtant fort ensanglantées –

Les portraits de ces ducs tyranniques murés dans leur palais

Posant fièrement avec le Christ, la Vierge et les Apôtres.

Ou ces femmes aux délicates tresses et aux astucieux chignons

Parée d'étoffes, de perles et de pierres précieuses.

Ou encore ces Saint-Georges terrassant le dragon

Ces pages en pourpoint et leurs molosses en laisse

Ces hommes d'armes montés sur de superbes destriers

Ces processions de mages

Ces ecclésiastiques intrigants …

Non ce n'est pas cela qu'il regardait

 

Ce qu'il aimait par-dessus tout

C'était surtout les paysages verdoyants en arrière-plan

Avec ces villages fortifiés à flanc de colline

Ou ces vestiges romains en ruines

Ou encore ces rochers étonnamment cubiques

D'où s'écoulait une eau claire et fraiche

Dans laquelle baignés les pieds des saints

– Bordé par les génuflexions d'Anges juvéniles

Aux boucles d'or vêtus de satin céruléen –

Ces arbres aux troncs dénudés longs et fins

Mais aux sommets touffus pareils à des plumeaux

Ces tapis herbés agrémentés de petites fleurs roses rouges et blanches

Sur lesquelles dansaient des Venus dévêtues et les dieux olympiens

Ces petits sentiers qui serpentaient

Entre les vignes, les orangers, les oliviers et les sapins

Et les tours des Palazzo que l'on distinguait à peine dans le lointain…

 

Son monde a lui n'était que sable

Pierre blanche

Et poussière

La petite île de Lampedusa n'étant pas la Toscane

La Lombardie

Ou la Romagne

 

A 17 ans

Pour ne pas avoir à devenir pêcheur

Il avait déjà senti posé sur sa tempe le canon froid d'un Beretta

Il avait gouté les lèvres fraiches d'une fille de Borgo Cala Creta

Mais pour lui l'amour s'était arrêté là

La violence avait rattrapé ses désirs de joie.

 

Des paquets de kleenex en poche

Il arrachait dès qu'il pouvait

Un peu de plaisir à son sexe dressé.

Il avait à cet âge le visage des condottieres

L'œil fou et les cheveux mêlés

Il troquait une vie ennuyeuse

Contre la violence des clans

L'ennuie contre le sang.

 

Angelo te souviens-tu aujourd'hui

Des Botticelli, des Mantegna, des Lippi

Des Fra Angelico, des Pollaiolo, des Bellini

T'en souviens-tu Angelo?

Tu te souviens sûrement 

De cet hôtel pourri de Fiumicino

Non loin de l'aéroport Leonardo da Vinci

De cette douche aux murs sales

Du corps nu de ton frère Piero

De ce petit filet de sang

Qui coulait de la seringue

De l'aiguille au siphon

T'en souvient-tu oui ou non?

 

Aujourd'hui exilé dans ton propre pays

Le paysage que tu aperçois maintenant

A travers les barreaux d'une prison napolitaine

Est plus grand que le petit coin des tableaux que tu admirais tant

Mais au combien moins profond

Et plus profond

La peine…

© 2021 Andrea Maldeste

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